Argumentaire de la pétition

1 | (actualisé le ) par Pagestec

Pourquoi nous demandons la suppression de la globalisation des moyens horaires du pôle Sciences et Technologie en 6° et le maintien des 2 heures définies pour l’instant pour notre discipline :

Cette globalisation n’a qu’un seul but inavouable, la généralisation de l’EIST. En présentant comme une avancée le fait de donner plus de moyens aux « Sciences », le terme Technologie n’apparaissant même plus dans les commentaires officiels de cette réforme, cela donne aux chefs d’établissements une plus grande souplesse pour jouer sur les moyens horaires de ces trois matières.

A l’occasion d’un départ à la retraite ou pour mutation d’un collègue du pôle Sciences et Technologie, et dans le contexte actuel de diminution constante des moyens horaires alloués aux établissements, les enseignants restants seront assurément contraints tôt ou tard d’accepter le jeu de l’EIST (dispositif d’Enseignement Intégré des Sciences et de la Technologie déjà existant dans certains collèges) afin de préserver au mieux leur poste. Ainsi, il sera possible pour le Ministère et pour un chef d’établissement de supprimer un poste d’enseignant de Sciences ou de Technologie, en invitant les autres à prendre quelques heures supplémentaires.

Seule une globalisation des moyens horaires et un enseignement unique de Sciences pourra permettre ces possibilités de suppression de postes, et c’est certainement pour cela que ces points de la réforme sont si importants pour notre Ministère.

Or, quel est le bilan de l’EIST jusqu’à présent :

Ce dispositif, qui a vu le jour il y a maintenant presque 8 ans, n’a été expérimenté que sur environ 160 (source La main à la pâte) des 7100 collèges au total en France (chiffre du Ministère). Nous sommes donc bien loin « de ce qui se pratique déjà dans de nombreux établissements » comme l’a annoncé Madame La Ministre. Malgré un lobbying plus que soutenu de l’Académie de Sciences pour voir se généraliser le dispositif de « La main à la pâte » au primaire dans tous les collèges sous la forme de l’EIST, force est de constater que peu d’enseignants ont su y voir un réel intérêt pour les élèves. Quant à ceux qui ont tenté l’expérience, combien étaient réellement volontaires et convaincus par ce nouveau dispositif ? A ce jour, sa multiplication dans les collèges semble marquer le pas, et de nombreuses équipes pédagogiques se seraient déjà désengagées de ce type de dispositif.

Concernant la plus-value de cet enseignement, les différents rapports sur ce sujet sont loin d’en montrer sa réelle efficacité pour revaloriser les sciences et pour développer l’intérêt des élèves pour ces disciplines. Et si bienfaits il y a, ils sont plus à mettre au crédit des conditions particulières de mise en place de cet enseignement (groupes allégés sur toutes les heures, une heure hebdomadaire de concertation entre collègues permettant de mieux construire des projets pluridisciplinaires, plus d’expérimentations et de pratique), et non pour son contenu intégralement interdisciplinaire.

A noter aussi le peu d’informations généralement données aux parents sur ce dispositif. Notre hiérarchie l’a suffisamment répété aux collègues récalcitrants : « vous enseignez déjà une discipline scientifique, vous pouvez donc en enseigner une autre, qui plus est pour des 6°. Et puis, … vous êtes fonctionnaires ! ». Ainsi, méprisant le métier même d’enseignant ainsi que l’amour qui le rattache à sa matière et pas une autre, il est désormais entendu pour notre Ministère que l’on peut demander à un professeur d’enseigner une discipline pour laquelle il n’a pas fait les d’études nécessaires et avec laquelle il n’a aucune affinité, donc envie de l’enseigner aux élèves.

Comment en effet expliquer aux parents que c’est, par exemple, un professeur de Technologie qui va désormais enseigner des notions de Physique-Chimie et de Sciences de la vie et de la terre à son enfant en 6°, malgré le fait qu’il n’ait plus fait d’études dans ces domaines après son BAC. C’est vraiment réduire le savoir à bien peu de chose, et avoir peu de considération pour la qualité de l’enseignement qu’un professeur se doit d’apporter à ses élèves.

Définir comme nous le demandons des horaires précis pour les disciplines du pôle sciences et technologie en 6° permettrait simplement de poser un garde-fou contre cette généralisation non souhaitée par une très large majorité des collègues des trois disciplines. Cela n’empêchera pas les pressions hiérarchiques ni l’acceptation contrainte de certains professeurs pour ne pas voir supprimer leur poste, mais cela aura au moins le mérite de donner un cadre national aux besoins horaires nécessaires en 6° à chaque discipline en Sciences et pour la Technologie, et ainsi préserver le niveau des enseignements encore dispensés aujourd’hui aux élèves.

Pourquoi nous souhaitons que l’organisation des EPI (Enseignements Pratiques Interdisciplinaires) annoncés en 5°, 4° et 3° soient revus en octroyant clairement aux matières expérimentales et de production des moyens horaires supplémentaires pour travailler sur certains temps en effectifs allégés :

Les moyens horaires attribués aux EPI seront pris sur les horaires disciplinaires. Ainsi, non content de retirer à la Technologie ½ heure sur ses horaires en 3° et en 6°, ce qui annihile toute possibilité de faire certaines heures en ½ groupe par quinzaine, il faudra désormais « l’enseigner » à travers un enseignement pratique interdisciplinaire, en co-animation si possible ! Comme l’a déjà souligné Madame La Ministre : « Cette réforme des collèges n’instaure pas de bivalence, mais, par le biais des enseignements pratiques interdisciplinaires et de la création de pôles d’organisation commune des disciplines précitées, elle ouvre la voie sans rien imposer. »(1).

Il n’est donc plus question de faire de la Technologie en groupes allégés, pour ceux qui avaient encore la chance d’en avoir, mais désormais tout le monde aura la possibilité de faire un nouvel enseignement interdisciplinaire, dont le contenu sera fixé suivant le thème travaillé parmi les huit inscrits dans les programmes disciplinaires du cycle 4 :

- Développement durable

- Sciences et société

- Corps, santé et sécurité

- Information, communication, citoyenneté

- Culture et création artistiques

- Monde économique et professionnel

- Langues et cultures de l’Antiquité

- Langues et cultures régionales et étrangères

Or, sur ces huit thèmes, on peut facilement s’apercevoir et sans trop tirer les choses par les cheveux, que la Technologie ne pourra y intervenir pleinement que dans la moitié d’entre eux.

Pour traduire des ½ groupes seront donc envisageables, car tout cela reste encore à la discrétion du conseil pédagogique et du chef d’établissement, mais certainement uniquement sur une moitié de l’année, le reste se faisant en classe entière. Et pour le contenu de ces EPI, il faudra qu’il soit interdisciplinaire, donc encore un nouveau mélange de Physique-Chimie ou de Science de la vie et de la Terre avec de la Technologie, le tout à la sauce ludico-pédagogique comme pour l’EIST.

Exit donc la cohérence dans la progression pédagogique de notre enseignement : les moments en effectifs allégés, seuls temps permettant de réels travaux d’expérimentation et de production, ne seront possibles et à condition d’en obtenir …, que sur une partie de l’année et pour y traiter des sujets non spécifiquement disciplinaires, donc en tout incohérence avec les sujets d’études abordés à un instant précis selon la progression pédagogique de notre cours.

Au lieu de vouloir restaurer l’intérêt des élèves pour les sciences et la Technologie à travers des dispositifs comme l’EIST ou ces futurs EPI, où seul son objectif est bien de voir se généraliser la bi ou trivalence des enseignants, Le Ministère devrait donc déjà permettre aux élèves de faire des sciences et de la Technologie dans des conditions acceptables. Or c’est évidemment et principalement à travers ces heures d’expérimentations, de conception et de réalisation que la motivation des élèves, leur envie de faire, de comprendre et d’apprendre est la plus marquée.

Ces temps de recherche, d’expérimentation, de conception ou de fabrication, généralement par petits groupes de projet de 3 ou 4 élèves, fondent la base de notre enseignement. Ils constituent les supports pédagogiques sur lesquels nous pourrons développer des savoirs, savoir-faire et savoir-être réinvestis pour la plupart en classe entière. Les diminuer, les adapter, ou chercher à les fusionner avec une autre discipline scientifique est une erreur et empêche par là même l’acquisition de savoirs et de compétences essentiels aux élèves pour la poursuite de leurs études et pour favoriser leur entrée dans la vie professionnelle.

Il est bien évidemment important de travailler sur des thèmes communs avec nos collègues des autres disciplines scientifiques, et c’est notamment par plus de cohérence dans la rédaction des programmes par niveau que cela sera possible. La culture de projet interdisciplinaire doit, elle aussi, être développée dans nos établissements scolaires, mais pas pour être mise à toutes les sauces et sans aucune cohérence, et surtout pas dans le but de voir se rapprocher peu à peu les champs, notions et contenus disciplinaires jusqu’à en obtenir leur fusion.

Si EPI il doit y avoir, nous demandons à ce que là aussi soit défini, soit ajouté un cadrage très particulier concernant la Technologie, comme pour les autres matières scientifiques et expérimentales, afin que des moyens horaires supplémentaires puissent être fléchés au bénéfice des élèves pour ces temps de travail en effectifs réduits. De même, nous demandons à ce qu’il soit clairement inscrit que nul travail interdisciplinaire, en co-animation ou pas, ne peut y être imposé aux enseignants, toujours afin de préserver une qualité d’enseignement à laquelle nos élèves ont droit et doivent pouvoir prétendre.

Pourquoi nous demandons que soit abandonné toute volonté de développer un enseignement unique et interdisciplinaire de Sciences et Technologie sur les 4 niveaux du collège :

Sans reprendre tout l’argumentaire déjà formulé ci-dessus, et même si nous « comprenons » tout l’intérêt financier que peut avoir notre ministère à voir se développer la bi ou trivalence des enseignants, bien aidé par autant de conseillers qui ignorent semble-t-il la réalité du terrain, que par l’opportunisme ou le lobbying de certaines associations ou groupes d’influences qui ne représentent qu’eux mêmes, nous sommes fermement persuadés que cette réforme, telle qu’elle nous est présentée ne peut mener qu’à un échec.

Des mesures ambitieuses sont possibles, des mesures qui pourront assurément permettre à nos élèves de mieux vivre et réussir leur scolarité, de mieux construire leur projet d’orientation, d’être mieux préparé à leur vie d’adulte, de citoyen, et à leur insertion dans la vie professionnelle.

Ces mesures, ces pistes de réflexions, nous les avons aussi déjà communiquées à Madame La Ministre Najat Vallaud-Belkacem dans un courrier très récent :



« nous pensons que ce projet de réforme dégradera un peu plus la valeur de notre système éducatif. Notre discipline pourrait cependant contribuer à ce que cela change enfin, voici quelques pistes :

 

- Réaffirmer à travers notre enseignement l’utilisation et l’apprentissage aux élèves des démarches technologiques de projet, mais aussi celle entrepreneuriale ou celle plus scientifique de résolution de problèmes ;
- Par l’application de ces démarches à travers la réalisation d’objets technologiques ou de services, permettre aux élèves d’acquérir des savoirs et savoir être indispensables à une meilleure compréhension et insertion dans le monde de l’entreprise ;
- Donner réellement la possibilité aux élèves, par des temps en groupes allégés, de mieux découvrir le travail manuel, l’expérimentation, l’ingénierie, de mieux s’approprier des savoir faire artisanaux et professionnels, mais aussi ceux liés à l’utilisation et la création des objets numériques et de la programmation informatique ;

Enfin, de par la définition même de notre discipline et en cohérence avec les formations STI2D créées il y a peu au lycée, notre enseignement doit pouvoir pleinement jouer son rôle dans la compréhension des technologies utilisées par notre monde, de leurs impacts et de la désormais nécessité d’un développement technologique et durable pour sauver notre planète. »

Nous ne pouvons espérer de sa part qu’être lu …, et entendu …




(1) : Extraits de l’audition de la ministre sur la réforme des collèges à la commission des affaires culturelles et de l’éducation mardi 24 mars 2015.